« Nous sommes allés plus loin que le Plan local de l'urbanisme intercommunal, en accentuant la végétalisation et la désimperméabilisation des projets urbains, en posant des dimensions pour les logements, mais aussi en intégrant des aspects comme la sociabilité, essentiels pour la santé des habitants. Fabriquer une ville favorable à la santé, c'est une question de survie pour les urbains dans quelques années, et d'équité car tous ne peuvent pas s'en échapper », déroulait ainsi Pierre-André Juven, adjoint au maire délégué à la Santé, lors de la table ronde organisée pour le lancement de la nouvelle charte de l'habitat et de la construction favorables à la santé de Grenoble, à la Plateforme, mercredi 7 juin 2023. 

Concentrée d'approches urbanistiques bénéfiques pour la santé des urbains, cette charte se double d'une autre exigence : celle d'être compatible avec le climat. « Privilégier la réhabilitation à la construction », « lutter contre les îlots urbains de chaleur », « intégrer l'adaptabilité et la réversibilité des bâtiments dès leur conception », « préserver la ressource en eau » figurent notamment parmi les 14 principes énoncés dans la charte. Le document décline ensuite des « leviers » à trois échelles : le quartier, l'immeuble et le logement. « Une approche pertinente car globale », approuvait Daniel Schoen, architecte urbaniste et co-président de Ville et Aménagement Durable. Instructive elle aussi, la partie de la charte grenobloise qui décrit les étapes de la mise en œuvre de cet urbanisme propice à la santé, avec comme fil directeur la concertation. Car, de fait, une charte n'a pas de cadre légal. « C'est un outil de dialogue, utile en particulier pour échanger pour les projets dans le diffus. A contrario dans les Zac, nous avons les cahiers de prescriptions" », arguait Pierre-André Juven. « Cette charte vient aussi d'une demande des promoteurs qui voulaient connaître nos attentes », tenait à recontextualiser Margot Belair, à l’urbanisme.

Afin de s'assurer l'adhésion des acteurs, la Ville a pris quelques précautions, comme celle de confier au CAUE de l'Isère le copilotage de la charte, conférant au document une certaine « objectivité ». Une quinzaine de professionnels architectes, urbanistes, aménageurs, etc. ont été concertés lors de cinq ateliers participatifs. Les habitants ont aussi eu l'opportunité d'apporter leurs contributions.

Au bout du bout, la charte ne propose rien d'irréaliste. La plupart de ses concepts ayant été éprouvés que ce soit à Grenoble, dans les écoquartiers Bonne ou Flaubert, ou ailleurs à travers le projet d'occupation temporaire de la Chapelle Nouvelle à Paris, la réhabilitation de la cité du Grand Parc à Bordeaux, la reconversion de l'immeuble de bureaux Kube à Villeurbanne, en immeuble d'habitat  creusé en U pour apporter la lumière. Autant de projets « exemplaires » selon la charte grenobloise.

Revers de la médaille, construire une ville plus favorable à la santé revient plus cher. Les promoteurs à Bordeaux peuvent en témoigner. Le label bâtiment frugal bordelais a entraîné un surcoût de 15 % en moyenne par opération, « ce qui n'est si insurmontable » considérait Bernard Blanc, ex-adjoint au maire en charge de l’urbanisme résilient. Le hic, c'est que la crise du logement a fragilisé l'équilibre économique de ces projets, pointait aussi l'ex-adjoint. Comment s'en sortira Grenoble ? En octroyant apparemment plus de souplesse aux acteurs que ne le fait le label bordelais. « On ne demandera pas aux constructeurs de cocher toutes les cases. Le contexte, le quartier, etc. a aussi son importance pour pousser tel ou tel curseur », commentait ainsi Margot Belair.

 

Séverine Cattiaux