Joyau de l’architecture industrielle du XIXe siècle, la Chocolaterie Menier a abrité le siège de Nestlé France après une réhabilitation menée en 1996 par l’agence Reichen et Robert et la construction de nouveaux bâtiments (14 000 m2 ). En 2020 la branche française de la multinationale quitte Noisiel pour s’installer avec ses 1300 salariés à Issy-les-Moulineaux. Mais pour s’assurer de la valorisation des 14 hectares du site de la Chocolaterie, elle a choisi avant de partir un aménageur : Linkcity. Benoît Gérardin, directeur des Projets urbains Ile-deFrance chez Linkcity, rappelle l’offre faite à Nestlé France en 2017 : « nous nous sommes concentrés sur les 9 hectares situés à Noisiel, abritant les bâtiments remarquables. Le projet repose sur deux piliers : un quartier résidentiel et une Cité du goût. C’est une proposition qui devrait apporter un souffle nouveau à ce site ».
Bien sûr, l’évolution d’un site aussi remarquable, avec une partie des bâtiments protégés au titre des monuments historiques, ne laisse indifférents ni la Drac, ni les élus, ni les Noisieliens. C’est donc dès 2018 que commencent des réunions techniques entre Linkcity, des représentants de l’Etat, les communes de Noisiel et Torcy (concernée pour 5 ha), la communauté d’agglomération Paris-Vallée de la Marne et la Région Ile-de-France afin de fixer les grands principes de mutation du siège de Nestlé France. Mais pour permettre la construction de logements, il faut modifier le zonage du PLU de Noisiel qui consacre ce secteur aux activités.
Ce qu’a entrepris la commune avec une enquête publique qui s’est tenue fin 2021. Pour le maire de Noisiel, Mathieu Viskovic (PS), « il faut transformer la mauvaise nouvelle du départ de Nestlé en opportunité de s’approprier ce patrimoine comme un morceau de ville. Ce qui passe par la modification du PLU. D’ailleurs sans cela Linkcity n’achèterait pas le site et le risque serait qu’il devienne une friche squattée ». Bien que favorable à une reconversion rapide des lieux, le maire n’était pas prêt à accepter un projet sans expertise de son service aménagement et une concertation avec les riverains. Il a donc organisé plusieurs réunions publiques en 2022 pour que Linkcity présente son projet. Il a aussi créé un comité Chocolaterie composé de représentants d’associations, d’anciens et de nouveaux élus. Ce comité ayant pour mission de porter la voix des Noisieliens en tenant compte des commentaires exprimés lors des réunions et de l’enquête publique
De la première réunion à la dernière, élus et habitants ont d’ailleurs obtenu l’abandon de la création de logements sur l’île de la Marne en raison de la difficulté d’accès, la diminution du nombre de logements de 950 à 560 et celle de la hauteur des immeubles neufs et enfin l’augmentation du nombre de places de stationnement (de 900 à 1200). Les logements se concentreront à l’est du site, à l’écart de la Cité du goût. Celle-ci (30 000 m2 ) s’installera dans les plus beaux bâtiments de la Chocolaterie (cathédrale, moulin, halle des refroidissoirs) et leurs dépendances. Elle offrira restaurants, hôtel, centre de formation, logements pour apprentis, salles dédiées à l’organisation d’évènement, activités artisanales, commerces et un espace muséal. Pour le maire de Noisiel, « il n’était pas question de se limiter à une opération immobilière avec un patrimoine pareil ». Il se félicite d’ailleurs « de la présence de la Cité du goût dans le parcours de gastronomie d’Ile-de-France parmi six autres projets et surtout de son portage par Ile-de-France Tourisme & Territoires. Une avancée essentielle ». Ile-deFrance Tourisme & Territoires, société créée en 2022 pour soutenir les projets d’investissement touristique, a pour actionnaire la Sem Ile-de-France Investissements & Territoires, foncière créée en 2020 à l’initiative de la Région, la Caisse des Dépôts, la CCI, la Caisse d’Epargne et Crédit Mutuel Arkéa.
Les 560 logements en accession avec commerces et services se répartiront dans les bâtiments XIXe et dans deux nouveaux, dont un construit à l’emplacement de bureaux récents voués à la démolition. « Avec ce projet les Noisieliens vont profiter pleinement de la Chocolaterie qui n’était accessible que pendant les journées du patrimoine », précise Benoît Gérardin. « Le site ne sera plus privé et fermé et la plupart des espaces publics seront cédés à la Ville. On pourra rejoindre la Marne ou l’Ile sans avoir à faire un grand détour ». La commune vigilante sur les conditions du projet Le maire considère pour sa part « l’atteinte d’un point d’équilibre dans la définition du programme et la modification du PLU comme l’étape obligée pour avancer dans la conception du projet ». Concernant le développement de ce dernier, il énumère cependant des points non négociables pour la Ville : l’application d’une taxe d’aménagement majorée de 20 % pour contribuer au financement de l’extension des équipements induits par les logements (école élémentaire et primaire, cantine, centre de loisirs, crèche), la présence d’un cabinet médical in situ, le refus de récupérer des espaces et voies de dessertes dont les Noisieliens n’auraient pas grand usage. La concertation obligatoire avec les habitants suivra la modification du PLU que Linkcity espère voir voter fin 2022 ou début 2023. Cela lui permettrait de déposer un permis d’aménager au 2e trimestre 2023. Pour approfondir le projet, Linkcity s’est entouré des agences Reichen et Robert et TER. Concernant les 5 ha situés à Torcy, « il n’y a pas l’enjeu de préserver de la déliquescence un site patrimoniale inoccupé comme à Noisiel », assure Benoît Gérardin. Il s’agit essentiellement d’utiliser un ancien parking et le maire a fait part de son souhait d’implanter des activités de production artisanale en support à la Cité du goût. Aussi Linkcity se penchera-t-il sur ce secteur dans un second temps. (NH)