Quoi de mieux pour parler recyclage urbain que de réunir architectes et aménageurs dans une ancienne gare de fret, devenue tiers-lieu en cœur de ville. Vendredi 15 septembre, Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes, a tenu une conférence au Bazaar St So à Lille, venant clôturer l’exposition « la ville tourne en rond ? » - référence à l’inertie du secteur de la construction, qui refuse un changement de paradigme et de faire de la frugalité son maître-mot ; invitation également à recourir à l’économie circulaire.
Quelques jours après l’annonce du gouvernement d’engager une transformation des zones commerciales en périphérie des villes, Christine Leconte dénonce un « urbanisme de zoning » à la française, ayant conduit à une sectorialisation des espaces. La séparation des zones commerciales, industrielles et résidentielles a encouragé l’utilisation abusive de la voiture d’une part, et l’étalement urbain à un rythme effréné d’autre part. Par souci de s’inscrire dans les objectifs de neutralité carbone d’ici à 2050, l’heure est à la préservation des espaces naturels et à l’intensification des usages dans le parc existant.
La co-autrice du livre « Réparons la ville ! » s’en prend à ceux qui la détruisent pour la reconstruire à neuf. « Sans considérer le patrimoine, nous allons droit dans le mur ». Pourtant, les architectes ne manquent pas d’imagination, en témoignent la revisite d’une ferme dans le Puy-de-Dôme en trois logements sociaux par Boris Bouchet Architectes, ou la réhabilitation d’un grand ensemble dans le quartier du Grand Parc à Bordeaux par Jean-Philippe Vassal. Qu’il s’agisse de renouer avec un patrimoine aussi « banal » qu’une ferme, ou de proposer aux habitants une continuité du sol entre logement et balcon qui « donne envie », le recyclage « offre des possibilités auxquelles nous ne croyions pas, et évite la standardisation des bâtiments » explique Christine Leconte.
Cette dernière lance un appel aux professionnels de la branche et habitants, pour qu’ils se saisissent eux-mêmes du sujet, là où « la bascule économique se fait encore du côté de la démolition ». Une urbaniste en devenir a reçu les applaudissements de la salle, en demandant à l’intervenante du jour comment convaincre un élu de régénérer plutôt que de démolir, lorsque les subventions de l’Anru en QPV s’élèvent respectivement jusqu’à 70 et 80 % du coût de l’opération. Au-delà d’un modèle économique inadapté au contexte, les critiques ont porté sur une « société du silo et de l’expertise » dont la politique du logement est une manifestation, puisque celle-ci est pensée indépendamment de la question des mobilités. « Une politique du logement sur les chiffres ne veut plus rien dire dans notre monde » déclare Christine Leconte.