Avec l’accélération du changement climatique, le devenir des territoires s'avère de plus en plus incertain. Si ce contexte contraint à réagir au coup par coup, cela ne doit pas empêcher de se projeter et penser le temps long, bien au contraire. Telle est l’idée force ressortie lors de la table ronde à Grenoble, ce jeudi 2 mai 2024. « Dans les années 60-70, on pensait le temps long, on planifiait. On y revient. La particularité étant qu’aujourd'hui, une partie du futur est déjà écrite, et ce n’est pas la partie noble de l’histoire» comparait Hiba Debouk, directrice déléguée du groupe Arep (Architecture Recherche Engagement Post-carbone). Le futur ne sera pas une partie de plaisir, s'accordait, lui aussi, à dire Antoine Back, adjoint en charge des risques, de la résilience territoriale, de la prospective, de l'évaluation et des nouveaux indicateurs et de la stratégie alimentaire à la maire de Grenoble. « On sait que le futur ne sera pas comme le passé en un peu mieux. La sobriété va s’imposer à nous ». A partir de là, comment ne pas sombrer dans le fatalisme ? Par le travail de la prospective, rétorquait l'élu, afin d'entrevoir des futurs désirables vers lesquels la société aurait intérêt à « atterrir ». Lancée en 2022, la démarche Grenoble 2040 vise précisément à « redonner le goût du futur ». Avait-on vraiment cessé de faire de la prospective depuis les années 60 ? Ce serait excessif de l’affirmer, nuançait Antoine Back. Toutes les politiques publiques sont nourries d’études prospectives, assurait l'adjoint, que ce soit pour planifier les projets dans les déplacements, l'urbanisme, le logement... Reste que la prospective doit désormais s'atteler à tous les domaines en même temps, étant donné que le changement climatique les impacte tous. « Les démarches prospectives doivent être holistiques et systémiques » renchérissait Sébastien Maire, délégué général chez France Villes et territoires Durables. Ce dernier n'a pas hésité à exprimer son mécontentement vis-à-vis de la planification de l'Etat pour lutter contre les conséquences du réchauffement climatique, se résumant à une « stratégie bas carbone » bien en deçà des enjeux.

A la différence des travaux de prospective des années 60, la prospective n'est plus l’apanage des experts, s'est également félicitée Hiba Debouk. « On ouvre le champ des contributions aux citoyens, au monde économique, cela permet d’avoir des propositions plus ambitieuses, plus innovantes ». La directrice en tient pour preuve le travail de prospective impulsé par les citoyens du Grand Annecy. La démarche a débouché sur le tout premier Plui-HMB pour « plan local d’urbanisme intercommunal habitat mobilités bioclimatiques ».

Toute démarche de prospective, qui entend tenir la route, doit partir des faits scientifiques, se sont également empressés de mettre en garde les trois intervenants. Grenoble s’est tournée, pour sa part, vers la théorie du Donut en l’adaptant à l’échelle communale, avec des indicateurs directement mis au point avec le concours de l'économiste Kate Raworth, à l'origine de la théorie. Aujourd’hui cet outil permet à la Ville de visualiser ses dépassements par rapport aux « planchers sociaux » et aux « plafonds environnementaux ». 

Photo : table ronde "Réparer le futur" organisée à Grenoble le jeudi 2 mai 2024. 

SC