Les lauréats de la première édition du Prix européen pour le logement collectif ont été reçus le 20 juin au centre d’architecture bordelais Arc en rêve pour recevoir leur récompense. Une exposition leur sera consacrée cet automne à l’Institut d’architecture du Pays basque de Saint-Sébastien (Espagne), puis au centre Arc en rêve. 

Mettre sur le même plan la qualité architecturale de l’habitat collectif et sa capacité à générer du lien social : telle a été l’attente de cette première édition du Prix européen pour le logement collectif, créé par l’Institut d’architecture du Pays basque de Saint-Sébastien (Espagne) et le centre d’architecture Arc en rêve de Bordeaux, avec le soutien du Département de l’aménagement du territoire, du logement et des transports du gouvernement basque. Fabrizio Gallanti, directeur d’Arc en rêve, a salué la qualité des projets en soulignant « l’attention portée aux questions écologiques, l’intégration de personnes d’origine extra-européenne ou la remise en cause du modèle de la famille nucléaire ». Sur les 171 candidatures reçues de 19 pays européens, 11 finalistes ont été retenus puis départagés par un jury présidé par l’architecte Anne Lacaton, prix Pritzker 2021. L’agence Esch Sintzel Architekten installée à Zurich (Suisse) a remporté le prix dans la catégorie rénovation pour la transformation d’un chai à vin en logements à Bâle. Le cabinet d’architecture Lacol a quant à lui reçu le prix dans la catégorie nouvelle construction pour son projet de coopérative d’habitation La Borda à Barcelone.  

La Borda, une coopérative d’habitation en cession d’usage, est le résultat d’une mobilisation spontanée de la part des habitants du quartier de La Bordeta situé au sud-ouest de Barcelone, pour trouver une solution à la crise du logement qui sévit depuis 2008 dans la ville catalane. En 2014, cette dernière leur cède l’usage d’un terrain sous la forme d’un droit de superficie [1] pour une durée de 75 ans, permettant à la coopérative d’être propriétaire de l’immeuble et aux habitants d’accéder à un logement faisant partie du parc social de la ville. Dans la foulée, le collectif d’architectes Lacol est sollicité pour concevoir avec les habitants un immeuble en structure bois de 28 logements modulables de 40, 60 ou 75 m2. Le projet se construit de façon à optimiser les espaces et alléger les charges des ménages : la réduction de la surface des logements, le renoncement à un parking souterrain et la mutualisation d’une cour centrale, d’une cuisine-salle à manger, d’une buanderie, d’un espace polyvalent, d’un espace pour les invités, d’un espace de santé et de soins répondent à cette logique. Le bâtiment, achevé en 2023, consomme moins d’énergie qu’une construction classique du fait de « l’installation d’une chaudière biomasse centralisée pour optimiser l’infrastructure de production d’énergie » et de la « couverture de la cour par une serre pour capter le rayonnement solaire en hiver et avoir un effet cheminée pour la ventilation en été ». Ce modèle de gestion collective d’un immeuble de logements a initié une dynamique dans la région, démontrant que les habitants pouvaient inventer leur propre solution résidentielle, alors que le maire de Barcelone Jaume Collboni tente de son côté de résoudre le problème d’accès au logement, avec l’annonce le 21 juin d’une remise sur le marché de la vente ou de la location de 10 000 appartements touristiques dès 2029. 

                                                  Immeuble La Borda vu de l'intérieur. © Lluc Miralles

Passer d’un entrepôt de vin désaffecté à un immeuble de 64 logements, c’est le projet qu’a imaginé le cabinet zurichois Esch Sintzel Architekten dans le quartier de Lysbüchel Süd à Bâle (Suisse). La Fondation Habitat [2] décide en 2013 d’acquérir un bâtiment vieux de plus d’un demi-siècle, ancienne propriété du distributeur Coop ayant servi à entreposer des vins, pour faire face à la demande de logements dans la ville. Les architectes du projet ont conservé la structure en béton, faisant le choix de mettre en valeur les piliers en forme de champignon présents dans celui-ci depuis les années 1950. Là encore, les espaces collectifs occupent une place importante avec la présence d’un café-bar, d’un local commercial, de chambres d’amis, de pièces mutualisées, de salles de répétition de musique et d’une terrasse partagée. Les panneaux photovoltaïques en toiture et la pompe à chaleur sur eau de nappe couvrent 65% de la consommation totale d’énergie de l’immeuble. En 2023, cet ancien entrepôt de vin a pu s’offrir une nouvelle jeunesse avec l’arrivée de ses 170 habitants, et a su convaincre le jury de ce Prix pour qui une rénovation de cette ampleur « démontre que même des bâtiments fonctionnels tout à fait ordinaires peuvent avoir une grande valeur et être le support pour des projets novateurs, apportant une plus-value au quartier et à la ville ». 

Transformation d'un entrepôt de vin désaffecté en un immeuble de logements à Bâle. © Paola Corsini                

 

                               Piliers en forme de champignon après réhabilitation. © Paola Corsini

 

[1] Équivalent d’un bail emphytéotique.

[2] Créée en 1996, la Fondation Habitat exerce une activité de promotion de logements abordables dans la région bâloise. 

Photo : à gauche, Philipp Esch de Esch Sintzel Architekten, équipe lauréate dans la catégorie "rénovation" ; à droite, Carles Baiges de Lacol, équipe lauréate dans la catégorie "nouvelle construction".

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