Le 3 juillet se tenait la conférence « Quelles sobriétés pour quel immobilier ? » organisée par l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID) à l’Académie du Climat (Paris 4ème). La prise de parole inaugurale a été l’occasion pour Odile Batsère, présidente de l’OID, d’avancer que « la sobriété appartient à l’ère de la post-croissance » et pour Loïs Moulas, directeur général de l’observatoire, d’affirmer que « la sobriété n’est plus tabou mais elle relève de compréhensions différentes d’un acteur à un autre ». 

La première table ronde, portant sur les imaginaires de la sobriété, a été l’occasion de rappeler que, si la sobriété est débattue en France, cela reste une exception au sein des pays de l’OCDE, quand bien même elle est presque exclusivement traitée dans l’Hexagone sous le prisme de la comptabilité énergétique alors que son sens original englobe des enjeux de redistribution des richesses et de justice sociale. Les intervenants se sont également entendus sur le fait que le mot « sobriété » ne convient pas parfaitement au concept qu’il décrit, renvoyant au sevrage de boissons alcoolisées alors que le sens qu’on veut lui donner renvoie à la tempérance, à la « suffisance » (traduction littérale du terme « sufficiency » qui s’utilise en anglais pour parler de sobriété) visant à trouver un juste milieu entre la misère et l’excès de confort.

Thierry Salomon, vice-président de l’association Négawatt, a ensuite montré les pistes qui peuvent être creusées pour une meilleure sobriété dans l’immobilier. Il s’agit d’abord de distinguer trois types de sobriété : dimensionnelle (qui prévoit une taille juste et un bon dimensionnement), d’usage (qui maximise le niveau et la durée d’exploitation) et de mutualisation (qui met en commun les usages). Dans le secteur du bâtiment, l’association estime à 30% les gains potentiels avec pas ou peu d’investissements monétaires. Cela serait rendu possible dans le résidentiel avec des économies sur le chauffage et l’eau chaude et dans le tertiaire sur la ventilation, l’éclairage ou la climatisation. 

Durant la deuxième table ronde, sur les définitions et pratiques de la sobriété dans l’immobilier, Alain Resplandy-Bernard, directeur général de la Direction de l’immobilier de l’Etat, a pointé « une obligation de sobriété si on veut prendre au sérieux la transition écologique ». Celle-ci passe d’abord par une comptabilité du bilan carbone des bâtiments publics (environ deux millions de tonnes eqCO2 par an) représentant 96 millions de mètres carrés et pour lequel l’Etat a investi 4 milliards d’euros sur les cinq dernières années afin d’en rénover thermiquement une partie. 

Cette volonté d’une comptabilité carbone est partagée par Astrid Weill, directrice générale de Groupama Immobilier, pour qui « on a deux poches : une avec des sous et l’autre avec du carbone. Il faut apprendre à compter avec du carbone ». Elle souligne également que pour elle la sobriété est un luxe car « le vrai luxe c’est celui qui va avec la planète ». 

Céline Crestin, directrice de la stratégie et du développement responsable de Paris La Défense, a rappelé l’objectif de faire de La Défense le « premier quartier d’affaires post-carbone du monde » quand bien même celui-ci a été pensé « en dehors des cadres de la sobriété, comme un symbole de la grandeur de l’économie française moderne ». Pour elle : « être moderne c’était le principe du quartier d’affaires à l’origine, aujourd’hui on passe à autre chose ».

Il s’agit également pour Julien Pemezec, directeur général de Woodeum x Pitch Immo, de viser d’autres modèles. Assumant que l’industrie a été « mauvaise élève » sur la sobriété, il rappelle « qu’il a dix ans on ne savait même pas mesurer le carbone et on ne savait pas où faire la chasse aux économies de carbone ». Il s’agit maintenant d’appliquer des solutions sur la base des nouvelles connaissances à notre disponibilité car « demain on ne nous laissera plus construire si on ne fait pas l’effort maintenant ». 

Etienne Eline